Le plus grand parking de stationnement vélo au monde est situé à la gare d’Utrecht : 12 500 places ! L’ADMA a posé cette question sur ses comptes LinkedIn et Twitter à l’occasion du quiz « Mai à vélo 2021 » : 9 répondants sur 10 ont trouvé la bonne réponse. Voici quelques précisions sur le potentiel du stationnement vélo en gare, pour le développement de l’usage du vélo comme du train.
Aux Pays-Bas, des services s’ajoutent à une offre massive de stationnement, dont la réparation de vélos en gare, ou la location de 21 700 vélos dans plus de 300 gares du pays (1) avec OV-Fiets (« Openbaar Vervoer » signifiant transports publics, et Fiets signifiant vélos, bien entendu !). Ce système est en voie de modernisation, avec un déverrouillage sans clé comme l’a récemment relaté le blogueur néerlandais Mark Wagenbuur (2).
Cette offre de stationnement et de services encourage l’intermodalité vélo-train, autant pour le « rabattement » (soit un trajet à vélo vers une gare où l’on prendra un train), que pour le « post-acheminement » (soit un trajet à vélo à l’arrivée en gare suite à un trajet en train).
Et en France, où en est-on ? Pas au même niveau, c’est certain. Pourtant, une meilleure offre de stationnement vélo en gare contribuerait à développer nettement la pratique du vélo. Celle du train également.
Comme la voiture, le vélo est en stationnement plus de 95% du temps
Pourquoi parler du stationnement vélo ? Parce qu’un vélo passe la très grande majorité du temps en stationnement, plutôt qu’en circulation. Pour la voiture, on estime généralement qu’elle est immobile 95% du temps. Selon une étude de référence de 2012, c’est même 96% pour être précis, dont 80% du temps à domicile (3)
Pour le vélo, les chiffres sont justement assez similaires. Parmi les vélos utilisés au moins une fois par mois, en prenant en compte la durée moyenne des trajets réalisés à vélo ainsi que leur fréquence, le bureau d’études 6T (4) a estimé qu’un vélo reste stationné 99,7% du temps, et qu’il le restera 96% du temps dans le cas d’une pratique quotidienne massive du vélo en France.
Moralité : si les aménagements cyclables sont indispensables pour développer la pratique du vélo, le stationnement l’est au moins autant, voire 19 fois plus puisque le vélo passe 19 fois plus de temps en stationnement qu’en circulation!
Plus de stationnement vélo = gains économiques, environnementaux et de part modale
En 2016, l’Ademe indiquait dans son étude sur les services vélo (5) que 8 places de stationnement vélo sécurisé créées en gare font gagner un usager régulier au TER. En termes de réduction des émissions, un abonné à un service de stationnement vélo sécurisé en gare permet de réduire en moyenne de 550kg de CO2 les émissions annuelles de CO2 en comparaison à l’usage de l’automobile.
Dans une étude de 2016 également, le Commissariat Général au Développement Durable (CGEDD) (6) a mis en valeur les bénéfices socio-économiques de la promotion de l’intermodalité vélo-train. Basée sur l’aire périurbaine de Tours (Indre-et-Loire) et notamment la gare d’Amboise, l’étude indique un coût de création d’une place de stationnement vélo sécurisée 5 fois inférieur à celui d’une place de stationnement automobile, et un gain socioéconomique de 2000€ par an pour le passage du P+R (stationner sa voiture pour prendre le train) au B+R (stationner son vélo pour prendre le train). Ce gain socioéconomique s’explique, au-delà du coût d’installation, par les bénéfices en termes de santé des usagers et de réduction de la pollution.
Co-financé par l’Union Européenne, le programme BiTiBi (Bike-Train-Bike, « Combining bicycles & trains) s’est inspiré du modèle néerlandais et s’est appuyé sur des projets pilotes en Belgique, en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni. Dans son rapport final de 2017, il est indiqué que parmi les usagers d’un stationnement vélo sécurisé, 15 à 20% avaient arrêté d’utiliser leur voiture pour des trajets intermodaux en train, et 20% étaient de nouveaux usagers du train.
En résumé, l’impact positif du stationnement vélo sécurisé en gare sur l’usage du vélo et du train, mais aussi sur la santé et l’environnement, n’est plus à prouver.
L’emport et le stationnement vélo en gare dans la LOM
Pour encourager l’intermodalité, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) de décembre 2019 a imposé dans son article 53 un nombre minimum de places vélo dans les trains neufs et les cars interurbains neufs, mais aussi l’équipement des gares de voyageurs, pôles d’échanges multimodaux et gares routières.
Le décret du 8 juin 2021 permet quant à lui de dresser les grandes caractéristiques de la future offre de stationnements vélos en gare, comme le résument finement les équipes de Vélo & Territoire dans cet article. Le décret définit notamment les critères du stationnement vélo sécurisé et précise la liste des 1 133 gares soumises à l’obligation de se doter de stationnements sécurisés d’ici 2024. A cet horizon, ce sont 90 000 places de stationnement vélo sécurisées qui sont attendues aux abords des gares dont la fréquentation est supérieure à 100 000 voyageurs par an.
Le stationnement vélo en gare : quelques exemples français inspirants
En attendant que la LOM produise son effet, la SNCF s’est d’ores et déjà engagée au niveau national à équiper 1100 gares de 30 000 nouveaux stationnements sécurisés d’ici au 1er janvier 2024 (8). En parallèle, différents territoires ont engagé des efforts pour améliorer le stationnement vélo en gare. A Strasbourg, 1440 places de stationnement vélo sécurisé sont disponibles dans deux parkings en ouvrage (9), et des silos offrent 1150 places de stationnement vélo sécurisé à Grenoble (10). Inauguré en 2019, le pôle d’échange multimodal de Chambéry comprend une « Vélostation » avec près de 500 places vélo en « consigne collective » (11).
Du côté des régions, Île-de-France Mobilités a pour objectif de créer 140 000 places de stationnement vélo sécurisé d’ici 2030 pour équiper toutes ses gares, et de nombreuses Régions co-financent l’aménagement de stationnements vélo sécurisés dans les gares. Cette dynamique devrait par ailleurs s’intensifier dans les prochaines années : le stationnement en gare est un point central des stratégies vélo régionales, dont se sont dotées 14 des 17 régions françaises.
D’ailleurs, côté financement, quelles opportunités ? Jusqu’au 31 décembre 2021, le programme Alvéole (12), porté par la FUB et ROZO, finance jusqu’à 60% de l’investissement hors taxe pour la création d’un stationnement vélo sécurisé (abris, supports d’attache, etc.), y compris en gare ferroviaire.
Une utilité plus que prouvée, des territoires déjà engagés dans des réalisations exemplaires, de nouvelles obligations dans la LOM mais aussi des financements avec le programme Alvéole : il reste désormais à réaliser de nombreux stationnements vélo en gare, pour atteindre le niveau de service des Pays-Bas qui d’après la FUB en 2019 en comptaient 440 000 places contre 30 000 en France.
Pour en savoir plus :
– Une étude complète de Vélo & Territoires avec le soutien de l’Ademe, à paraître prochainement : Intermodalité | Vélo & Territoires (velo-territoires.org)
– Le cahier « stationnement intermodal sécurisé » de l’étude de l’Ademe sur les services vélo en 2016 : Etude d’évaluation sur les services vélos (ademe.fr)
– Le programme Alvéole porté par la FUB et ROZO : Programme Alvéole – Financez vos abris vélos – CEE (programme-alveole.com)
Sources :
(1) Geen sleutel meer nodig voor OV-fiets
(2) Keys no longer needed for the OV-Fiets system (rental bikes) – YouTube
(3) Spaced out – Perspectives on parking policy, John Bates et David Leibling, RAC Foundation, juillet 2012
(4) 6t-bureau de recherche. (2020). Le développement du vélo et de la trottinette dans les grandes villes françaises : une tendance confrontée au stationnement dans l’espace public. Rapport final.
(5) Etude d’évaluation sur les services vélos, ADEME, septembre 2016
(6) L’intermodalité vélo-train : une évaluation socio-économique des bénéfices, CGEDD, décembre 2016
(7) Article L. 1272-4 du Code des Transports
(8) https://www.garesetconnexions.sncf/fr/notre-plan-velo