Dispositifs de séparation entre cyclistes et usagers motorisés : trouver l’équilibre entre sécurité et confort

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Résumé

L’essor du vélo comme mode de déplacement du quotidien est un enjeu majeur des politiques de mobilité durable. Mais pour convaincre le plus grand nombre, il est essentiel de proposer des aménagements sûrs, confortables et lisibles. La séparation des cyclistes et des véhicules motorisés s’impose dans certains contextes comme une nécessité, mais avec de multiples…

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L’essor du vélo comme mode de déplacement du quotidien est un enjeu majeur des politiques de mobilité durable. Mais pour convaincre le plus grand nombre, il est essentiel de proposer des aménagements sûrs, confortables et lisibles. La séparation des cyclistes et des véhicules motorisés s’impose dans certains contextes comme une nécessité, mais avec de multiples possibilités techniques. Tour d’horizon des bonnes pratiques et points de vigilance.

L’aménagement des infrastructures cyclables est une priorité pour de nombreuses collectivités, afin de répondre aux enjeux de transition écologique et de mobilité durable. La sécurité et le confort des cyclistes induisent souvent une séparation avec les véhicules motorisés. Les aménagements doivent à la fois protéger les usagers vulnérables, encourager de nouveaux publics à utiliser le vélo et garantir une cohabitation harmonieuse avec les véhicules motorisés. Mais dans quel contexte la séparation physique des différents types d’usagers s’impose-t-elle ? Cet article explore les conditions et les solutions pour mettre en place des dispositifs de séparation entre cyclistes et usagers motorisés.

Dispositifs de séparation entre cyclistes et usagers motorisés : trouver l’équilibre entre sécurité et confort

Avant même d’envisager la mise en place d’une séparation physique entre les usagers, une question fondamentale se pose : cette séparation est-elle vraiment nécessaire ? La réponse n’est pas universelle et dépend étroitement du contexte local : 

  • Privilégier le partage de l’espace sur les voies apaisées : dans les rues où le trafic reste modéré (moins de 2000 véhicules par jour et par sens) et où la vitesse est limitée à 30 km/h, le partage de l’espace entre les différents usagers est non seulement possible mais souvent préférable.
  • Opter pour une séparation physique sur les axes structurants : dès que la circulation est plus importante (plus de 2000 véhicules/jour/sens) et/ou que les vitesses dépassent les 30 km/h, il devient souhaitable de mettre en place des aménagements cyclables séparés physiquement de la chaussée. C’est indispensable pour offrir aux cyclistes des conditions de circulation sûres et confortables.

Les séparateurs permettent notamment :

  • d’éviter les intrusions de véhicules motorisés sur les pistes cyclables,
  • de protéger les cyclistes en cas de sortie de route d’une voiture ou d’un poids lourd,
  • de rassurer et d’attirer de nouveaux publics vers le vélo (enfants, familles, seniors) grâce à un plus grand sentiment de sécurité,
  • de limiter les effets de souffle et les projections au passage des véhicules.

Un outil essentiel pour atteindre ces objectifs de séparation est le plan de circulation. En canalisant le trafic motorisé sur certains axes structurants aménagés avec des pistes cyclables, cela permet de libérer de l’espace sur les voies de desserte locale où la mixité est alors possible. 

Plusieurs solutions techniques existent pour séparer physiquement les aménagements cyclables de la circulation générale, avec des avantages et des contraintes spécifiques.

Les bordures : une option classique aux multiples variantes

Les bordures constituent la solution de séparation la plus répandue. Elles offrent une protection efficace tout en s’intégrant dans le paysage.

  • Les bordures hautes : elles offrent une séparation physique particulièrement marquée. Leur principal avantage réside dans leur capacité à empêcher physiquement l’intrusion des véhicules motorisés sur l’espace cyclable. Cependant, ces bordures présentent aussi des inconvénients : elles peuvent créer un effet tunnel désagréable pour les cyclistes, qui se sentent enfermés dans un couloir étroit. Cette sensation est d’autant plus marquée que la piste est étroite. De plus, ces bordures ne pardonnent pas les erreurs : un léger écart peut se transformer en chute.
  • Les bordures basses : face aux inconvénients des bordures hautes, de nombreuses collectivités optent pour des bordures plus basses. Cette solution présente plusieurs avantages : elle est moins anxiogène pour les cyclistes, son impact visuel est plus limité, et elle permet le passage ponctuel de véhicules d’entretien ou de secours lorsque nécessaire. Le revers de la médaille est une protection moins marquée : certains automobilistes peuvent être tentés de franchir ces bordures plus facilement, notamment pour stationner. Cette solution nécessite donc souvent un contrôle plus actif pour être vraiment efficace.
  • Les bordures chanfreinées : ces bordures présentent une pente sur leur face latérale, ce qui offre plusieurs avantages pratiques. D’abord, elles laissent un peu d’espace pour la pédale lors du pédalage, réduisant le risque d’accrochage. Ensuite, elles donnent l’impression de disposer de plus de place. Enfin, et c’est peut-être le plus important, elles permettent de rattraper un écart sans forcément provoquer une chute.
Les potelets et balises : la souplesse comme atout

À côté des bordures continues, une autre famille de solutions se développe : les potelets et balises. Ces dispositifs présentent comme principal avantage leur légèreté et leur flexibilité : ils peuvent être facilement installés, déplacés ou supprimés selon l’évolution des besoins. Cette adaptabilité est particulièrement appréciable dans les phases d’expérimentation ou dans les contextes urbains en mutation.

Le choix des modèles est également important. Les potelets rigides offrent une meilleure protection mais peuvent représenter un danger pour les cyclistes en cas de choc. Les modèles souples ou à mémoire de forme apportent plus de sécurité pour les cyclistes mais sont généralement moins durables. Ces derniers nécessitent un entretien régulier et des remplacements fréquents.

La végétation et le stationnement : des séparations multifonctionnelles

L’utilisation d’éléments comme la végétation et du stationnement permet d’apporter d’autres bénéfices que la seule séparation des flux.

La végétation : bien plus qu’une simple séparation

L’utilisation de bandes plantées ou de fossés végétalisés pour séparer les flux apporte de nombreux avantages. Au-delà de leur rôle de protection, ces aménagements contribuent à :

  • améliorer la qualité paysagère de l’espace public,
  • favoriser la biodiversité,
  • participer à la gestion des eaux pluviales,
  • créer une distance plus importante avec la circulation motorisée, réduisant ainsi l’exposition au bruit et à la pollution.

Cette solution peut être déployée dans des zones disposant de suffisamment d’espace pour envisager ce type de solutions, notamment en périphérie des villes ou le long des grands axes requalifiés.

Le stationnement comme espace tampon

L’utilisation du stationnement comme séparateur représente une solution particulièrement efficace en milieu urbain contraint. En plaçant une bande de stationnement entre la chaussée et la piste cyclable, on crée une zone tampon qui protège efficacement les cyclistes tout en optimisant l’usage de l’espace public. Cette configuration permet également d’alterner entre stationnement automobile et stationnement vélo, créant ainsi un rythme qui contribue à l’animation de l’espace public tout en répondant aux besoins diversifiés des usagers.

En dehors des zones urbaines, la problématique de la séparation se pose de manière spécifique. Les vitesses plus élevées, les emprises disponibles et les comportements des usagers nécessitent une approche adaptée, qui s’appuie en premier lieu sur une réflexion globale d’organisation des déplacements.

Privilégier les itinéraires alternatifs

La première solution à explorer consiste à s’appuyer sur le plan de circulation pour déporter les déplacements cyclistes vers des chemins existants à faible trafic motorisé, où la vitesse est limitée à 50 km/h. Cette approche évite des aménagements coûteux tout en offrant un environnement agréable aux cyclistes, propice au partage de l’espace avec les véhicules motorisés.

L’aménagement le long des axes structurants

Lorsqu’il est nécessaire d’aménager des itinéraires cyclables le long d’axes à grande vitesse, plusieurs solutions sont envisageables, à adapter selon le contexte.

  • Favoriser l’éloignement quand c’est possible : hors agglomération, les emprises sont généralement plus généreuses qu’en ville. Cette caractéristique permet d’envisager une réelle séparation entre la chaussée et l’aménagement cyclable, en utilisant des fossés, des bandes enherbées, des haies végétales, etc. 
  • Quand l’éloignement est impossible : deux alternatives principales se présentent : les bordures, qui nécessitent une limitation de la vitesse des véhicules motorisés à 50 ou 70 km/h, ou les dispositifs de retenue routiers comme les glissières de sécurité, les murets ou les glissières en béton adhérent (GBA). Ces dispositifs plus lourds garantissent une protection maximale des cyclistes mais impliquent un entretien régulier et un impact visuel plus important.

Dans tous les cas, certaines solutions sont à proscrire absolument le long des axes à fort trafic : les bandes cyclables et les accotements revêtus. Ces aménagements non séparatifs exposent trop les cyclistes au trafic motorisé et peuvent créer un faux sentiment de sécurité.

Un point technique doit être pris en compte dans la conception : sur les routes où les véhicules circulent à vitesse élevée, il est nécessaire de prévoir des zones de récupération. Ces accotements, revêtus ou non, doivent rester libres de tout obstacle pour permettre à un véhicule en difficulté de se récupérer avant une sortie de route. Cette contrainte influence directement le positionnement des dispositifs de séparation et souligne une fois de plus l’intérêt de la réduction des vitesses, qui permet de limiter le besoin de ces zones tout en simplifiant la conception des aménagements.

Au-delà du choix du type de séparateur, sa conception détaillée est essentielle pour le confort et la sécurité des cyclistes.

La question essentielle de la largeur

La largeur de l’aménagement cyclable conditionne largement son succès ou son échec. Une piste trop étroite, même bien protégée, peut rapidement devenir inconfortable voire dangereuse.

En fonction du contexte, la conception doit notamment prendre en compte :

  • le dépassement entre cyclistes, de plus en plus fréquent avec le développement des vélos à assistance électrique qui créent des différentiels de vitesse importants,
  • le passage des vélos spéciaux (vélos adaptés, vélos-cargos, remorques…) qui nécessitent plus d’espace.

Il est également important d’anticiper l’évolution des flux cyclistes. Une piste qui semble suffisamment large aujourd’hui peut se révéler sous-dimensionnée dans quelques années si la pratique du vélo continue de se développer. 

La gestion des intersections

Les intersections constituent des points particulièrement sensibles dans la mise en place des dispositifs de séparation. Trois principes essentiels doivent être respectés pour garantir la sécurité de tous les usagers :

  • assurer une bonne visibilité réciproque entre les différents usagers à l’approche des carrefours : cela peut impliquer de supprimer le stationnement à proximité immédiate des traversées ou d’adapter la géométrie des intersections ; 
  • garantir la continuité des aménagements cyclables : les traversées doivent être sécurisées pour permettre aux cyclistes de franchir l’intersection sans rupture dans leur parcours. Cette continuité peut prendre différentes formes selon le contexte : îlots protecteurs, sas vélos, ou encore traversées en deux temps sur les axes importants ;
  • interrompre les séparateurs aux carrefours de manière appropriée pour permettre aux cyclistes de s’insérer dans la circulation lorsque nécessaire : cette interruption doit être conçue pour rester lisible et sécurisante pour tous les usagers.
Les contraintes d’entretien : penser à l’exploitation dès la conception

La mise en place de séparateurs physiques peut contraindre l’entretien de l’espace public :

  • la gestion des eaux pluviales : l’installation d’une bordure continue modifie les écoulements de l’eau. Il est donc nécessaire de repenser le système de drainage pour anticiper le risque d’accumulation d’eau.
  • le nettoyage des voies : les bordures peuvent compliquer les opérations de nettoyage car les véhicules d’entretien peuvent avoir des difficultés à accéder à certains espaces.
  • la viabilité hivernale : les bordures peuvent compliquer le passage des lames de déneigement.
Garantir l’accès aux services de secours

La conception des aménagements cyclables séparés doit impérativement prendre en compte les besoins des services de secours, en particulier des pompiers. Par exemple, pour les bâtiments nécessitant une desserte par échelle, une distance minimale et maximale par rapport aux façades doit être respectée. Par ailleurs, la voirie doit permettre le déploiement des stabilisateurs.

Le choix et la conception des dispositifs de séparation entre cyclistes et véhicules motorisés doivent s’appuyer sur une analyse fine du contexte de chaque projet : environnement urbain, périurbain ou rural, vitesses pratiquées, volume et composition du trafic, profil et attentes des usagers, contraintes d’insertion, d’exploitation et de gestion.

Il n’existe pas de solution unique applicable partout, mais une palette d’outils à combiner au cas par cas, en concertation avec les parties prenantes. L’objectif est de trouver le meilleur compromis entre sécurité objective et subjective des cyclistes, fluidité des déplacements, et faisabilité technique et financière pour les maîtres d’ouvrage. Au-delà des aménagements eux-mêmes, c’est toute une stratégie de modération de la circulation et de promotion du vélo qu’il faut construire à l’échelle d’un territoire pour faire cohabiter harmonieusement tous les modes.

Pour acquérir une expertise sur la conception des aménagements cyclables, l’ADMA propose plusieurs formations dans le parcours « Aménager des voiries cyclables et marchables ». Ces formations permettent d’approfondir les différents aspects de la conception d’aménagements cyclables sécurisés et confortables.

Ces formations, gratuites pour les apprenants, combinent approche théorique et mise en pratique sur le terrain. Elles vous permettront d’acquérir les compétences nécessaires pour concevoir des aménagements cyclables de qualité, adaptés aux besoins de tous les usagers.

Pour enrichir la réflexion et accéder à des retours d’expérience, plusieurs ressources de référence sont disponibles :

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