(Voyage d’étude n°3) Exploration des pratiques de mobilités actives en Italie

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Résumé

Au printemps 2023, l’ADMA réalise cinq voyages d’études en Europe, avec pour objectif d’explorer des pratiques, des projets et des politiques de mobilités actives pouvant inspirer les territoires français. Lors de ces voyages, l’équipe de l’ADMA part à la rencontre d’acteurs publics, associatifs et privés, et observe le terrain afin de continuer à étoffer ses…

Thématiques :

Troisième destination de cette série de voyages d’études : l’Italie.

Clara, Clément et Jean-Baptiste sont partis à la découverte de 3 villes du nord de l’Italie : Milan, deuxième plus grande ville d’Italie avec 1,4 million d’habitants, capitale de la Lombardie ; Bologne, 390 000 habitants, capitale de la région d’Émilie-Romagne et réputée pour abriter la plus ancienne Université encore en activité ; Ferrare, 130 000 habitants, capitale della bicicletta en Italie où la part modale du vélo est de 24 %, plus proche des références néerlandaises et danoises que de la moyenne italienne de 4 %.

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Dans cet article, les membres de l’équipe vous présentent les retours d’expérience de ce voyage, notamment autour de la spécificité italienne des Zone a Traffico Limitato (zones de trafic limité, ZTL).

Pourquoi avoir choisi l’Italie ?

À la suite de la Loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 et à la Loi Climat & Résilience de 2021, la France est engagée dans la mise en place de Zones à Faibles Emissions (ZFE) pour ses principales villes et agglomérations. Avec les ZTL développées à partir des années 1970 dans le nord du pays, l’Italie a une autre expérience en matière de restriction de la circulation automobile : contrairement aux ZFE qui visent à limiter la circulation des véhicules selon leurs normes d’émissions, l’objectif des ZTL est de réguler le trafic selon les modalités de déplacement. Dans une ZTL italienne, seuls les ayant-droit comme les résidents ou les commerçants ont la possibilité de circuler en voiture dans la zone définie. Ainsi, les visiteurs ne peuvent accéder aux ZTL qu’à pied, à vélo, en transports en commun – parfois en deux-roues motorisés, ce qui a contribué au développement de la part modale de ces motorini en Italie. Cette spécificité italienne a semblé intéressante à explorer, afin de voir ses effets sur la place accordée aux mobilités actives dans les villes.

L’ADMA souhaite aussi participer à la diffusion de références et (bonnes) pratiques issues de pays où la place du vélo est comparable à la France. Au-delà de quelques villes reconnues pour leur pratique cyclable (Ferrare, Bolzano, Bologne), avec une part modale nationale du vélo à 4 % l’Italie se situe dans la moyenne basse des pays de l’Union Européenne et comparable à la France. Dans des temporalités similaires à la France avec la LOM et le plan vélo, l’Italie s’est dotée en 2022 d’un Plan général de mobilité cycliste urbaine et extra-urbaine (Piano Générale della Mobilità Ciclistica urbana e extraurbana) faisant suite à une loi de 2018.

Les ZTL : un outil au service des mobilités actives ?

L’Italie compte plus de 230 ZTL, dont les périmètres sont principalement circonscrits à l’intérieur des centres historiques des villes. C’est le cas à Ferrare où les quatre ZTL existantes se situent à l’intérieur du périmètre des remparts ainsi qu’à Bologne où les ZTL recouvrent la quasi-totalité du centre historique.

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Figure 1 – À l’ombre de la ZTL : auriez-vous remarqué ce discret panneau ? (Bologne, Via del Porto)

Sans aucune barrière physique, matérialisée uniquement par des panneaux de signalisation, l’entrée dans une ZTL est une frontière quasi invisible pour qui n’a pas un œil attentif, mais une frontière tout de même : tout véhicule non autorisé qui entre dans le périmètre est vidéo-verbalisé. La mise en place des ZTL a certainement limité la croissance du trafic automobile traversant les centres historiques. Cependant, selon les villes et les ZTL, les bus, taxis ou autres causent malgré tout un encombrement qui peut s’avérer inconfortable voire insécurisant pour les personnes à pied ou à vélo.

L’équipe de l’ADMA a expérimenté plusieurs configurations, avec ou sans aménagement cyclable dédié. À Bologne, les militants de la FIAB (Federazione Italiana Ambiente e Bicicletta, l’équivalent Italien de la Fédération des Usagers de la Bicyclette) regrettent l’absence d’aménagements cyclables autres que les casa avanzata (sas vélo) et doppio senso ciclabile (double-sens cyclable) dans la ZTL au sein du centre historique. Le contrôle du trafic motorisé entrant dans le centre grâce à la ZTL est avancé par la municipalité comme étant suffisant pour assurer un cadre sécurisant pour les déplacements à vélo. Les piétons peuvent quant à eux profiter des près de 40 kilomètres d’arcades du centre-ville pour circuler à l’ombre et en sécurité.

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Figure 2 – À l’intérieur de la ZTL : des bus, des voitures, des scooters, mais pas d’aménagement cyclable. À droite, un aperçu des arcades bolonaises. (Bologne, Via Guglielmo Marconi)

À Ferrare, la circulation à vélo dans le centre historique et les périmètres des différentes ZTL est pacifiée. Les membres de l’administration municipale sur place ont cependant attiré notre attention sur la problématique du nombre de véhicules disposant d’une dérogation pour entrer dans la zone et qui y stationnent, réduisant d’autant l’espace libéré par la réglementation. Dans cette ville de 130 000 habitants, près de 14 000 autorisations rattachées à 28 000 véhicules ont été délivrées dont près d’une sur deux pour les personnes porteuses de handicap, un quart pour les résidents et un peu moins de 15 % pour les artisans. Cette accumulation d’autorisations dans le temps peut nuire aux effets de la ZTL sur l’espace public.

À Milan, la ZTL “Area C” qui est calquée sur le périmètre du centre historique a la particularité de mixer ZTL à l’italienne (distinction des véhicules selon résidents, non-résidents, activité commerciale, service public), ZFE et péage urbain (paiement d’un droit d’entrée ou gratuité selon la norme polluante et la motorisation du véhicule). Lors de la période COVID, des aménagements en bandes cyclables sur des axes structurants, tels que le Corso Buenos Aires et le Corso Venezia, ont été déployés pour relier l’hypercentre depuis le nord-est de l’Area C. Parfois séparées des flux de circulation par des niveaux, des bordures en béton ou du stationnement longitudinal automobile ou de deux-roues motorisés, ces bandes cyclables restent marquées par une simple signalisation horizontale sur la majorité de leur linéaire ; elles se trouvent ainsi fréquemment encombrées par des véhicules en stationnement non autorisé, comportement généralisé des automobilistes qui nous a particulièrement saisis.

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Figure 3 – À l’entrée de la ZTL / Area C, les bandes cyclables structurantes du Corso Venezia vers celles du Corso Buenos Aires (Milan, Piazza Guglielmo Oberdan)

Si la FIAB regrette le manque d’aménagements cyclables au sein de la ZTL bolonaise, les cyclistes à Bologne bénéficient d’une tangenziale delle biciclette (périphérique cyclable) calquée sur le périmètre des anciens remparts de la ville qui correspond globalement aux limites de la ZTL. Cette tangenziale est la ligne « T1 » de la Bicipolitana bolognese, réseau cyclable métropolitain de 980 km d’itinéraires dont les 34 lignes sont distinguées entre 20 lignes per tutti i giorni ciblant les déplacements quotidiens et 14 lignes per il tempo libero ciblant les déplacements de loisirs. Entre 2019 et 2022, les kilomètres réalisés ou en construction sont passés de 248 km à 405 km (+ 157 km), portant à 42 % le taux de réalisation du réseau auxquels s’ajoutent 16 % supplémentaires déjà financés. Ce périphérique cyclable est aménagé en site central, avec le jalonnement vertical de la Bicipolitana bolognese qui indique la ligne actuelle, les lignes sécantes à venir ainsi que le kilométrage jusqu’aux prochaines destinations. La position en site central favorise la continuité, la simplification des interactions avec les flux automobiles (et la réduction des angles morts) et la circulation des cyclistes à l’ombre des arbres. Aux carrefours, le flux des cyclistes est souvent matérialisé par un marquage de couleur rouge entre les 2 portions de terre-plein central (Figure 4). Le gabarit des pistes cyclables est cependant contraint par la largeur préexistante de ce terre-plein central et les changements de niveaux à chaque intersection peuvent être inconfortables.

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Figure 4 – Carrefour sur la partie ouest de la Tangenziale delle biciclette (Bologne, Porta Sant’Isaia)

C’est aussi à l’ombre des arbres sur la partie haute des remparts, ou au milieu des espaces enherbés de la partie basse des remparts, que se déroule le fil du périphérique vélo de Ferrare. Celui-ci assure un contournement en site propre continu du centre historique de la ville, à l’exception du quart sud-ouest au niveau de la gare et d’un secteur détruit des remparts où des aménagements cyclables plus traditionnels sont présents. Chaque année, environ 1 km de cet itinéraire cyclable est remis à niveau par des travaux le long des remparts, dont les revêtements sont aujourd’hui inégalement composés d’un enrobé grenaillé. La partie haute des remparts sous les arbres connaît un dimensionnement plus large (Figure 5), mais avec un revêtement en stabilisé qui s’accorde mieux avec le caractère verduré et patrimonial du lieu (Figure 6).

Le contour cyclable des remparts croise différents axes structurants reliant la périphérie et le centre historique de Ferrare, impliquant une rupture de l’aménagement cyclable en l’absence de traitement des carrefours. C’est le cas Via Daniello Bartolin où le débouché de l’aménagement mixte piétons-cycles venant du pourtour des remparts se transforme en passage piéton marqué en couleur rouge sur la Via Porta Romana, sans délimitation avec une traversée cycliste. La connexion avec l’axe perpendiculaire d’entrée et de sortie du centre-ville est réduite à des bandes cyclables étroites et peu signalées. Les membres de la FIAB ont particulièrement signalé ce type d’intersection qui fait l’objet de projets d’aménagement attendus de la municipalité ferraraise.

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Figure 5 – La partie basse des remparts de Ferrare et son itinéraire cyclable périphérique (Ferrare, Baluardo di S. Antonio)

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Figure 6 – La partie haute des remparts de Ferrare, plus large mais en revêtement stabilisé (Ferrare, Rampari di Belfiore)

À nos interrogations face à l’originalité italienne des ZTL, nos interlocuteurs locaux ont la plupart du temps répondu sur le mode de l’indifférence. Si à leur mise en place les ZTL ont pu produire des effets pour réduire la circulation automobile et libérer de l’espace pour les personnes à pied et à vélo, aujourd’hui elles semblent peu mobiliser les cyclistes de la FIAB qui se préoccupent davantage du besoin d’aménagements cyclables dédiés ou d’un ralentissement général de la vitesse de circulation automobile par des projets de Città 30 (villes à 30).

Les Città 30 : réguler la place de l’automobile dans les villes italiennes ?

Giuliano Giubelli, vice-président de la FIAB italienne en charge du plaidoyer rencontré à Ferrare a insisté sur l’enjeu du déploiement des Città 30 ou villes à 30. Une proposition de loi pour donner une définition nationale au concept de ville à 30 en Italie a été présentée à Bologne début mai 2023, soutenue par différentes associations italiennes dont la FIAB. Celle-ci propose de faire de la limitation à 30 km/h la règle et de celle à 50 km/h l’exception, à l’inverse de la généralisation actuelle du 50 km/h et de l’implantation de « zones 30 ». Adoptée, la proposition de loi fixerait un an aux municipalités pour mettre en place les villes à 30 et réserverait 15 % du budget national de la sécurité routière aux projets de villes à 30.

La ville de Bologne est dotée depuis 2013 d’un « conseil municipal du vélo », la Consulta comunale della bicicletta, organe consultatif composé d’une trentaine d’associations. En août 2022, suite à une hausse de l’accidentalité, celui-ci a appelé à la généralisation d’une Città 30 à Bologne, en lieu et place d’une addition de zones 30 disparates dans la ville. Le conseil municipal a délibéré dans le sens de cette orientation en novembre 2022 et celle-ci devait se concrétiser dès juin 2023 sur le terrain. En attente d’une législation nationale sur le sujet, Bologne rejoint ainsi Turin, Olbia, Cesena ou encore Bergame dans le club des Città 30.

En janvier 2023, le conseil municipal s’est également engagé sur la voie de la Città 30 à horizon du 1er janvier 2024. Cette ambition de la ville à 30 renvoie autant à une sécurisation des déplacements pour les piétons et les cyclistes qu’à une amélioration et une pacification des espaces publics. En mai 2023 lors de la visite de l’ADMA, les premières impressions de Milan à pied et à vélo étaient plutôt celles d’une ville où les pratiques de stationnement automobile ne respectent généralement pas les espaces dédiés aux piétons et aux cyclistes. Ce sont aussi les implantations démultipliées de potelets qui attirent l’œil des visiteurs, en particulier si ceux-ci ont précédemment visité des villes suisses. D’après les observations réalisées sur place, les potelets semblent surtout implantés pour protéger les automobilistes d’eux-mêmes : pas sur tous les espaces qui seraient interdits au stationnement, mais sur ceux d’où les automobilistes risqueraient de ne plus s’extraire, des grilles d’aération par exemple. Comme déjà indiqué dans une vidéo de l’ADMA, au-delà de leur coût important, l’implantation des potelets déclenche un cercle vicieux : là où ils ne sont pas, les automobilistes semblent se sentir autorisés à stationner, y compris lorsque cela peut gêner les cheminements piétons et cyclistes.

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Figure 7 – Voitures stationnées en file indienne sur un passage piéton (Milan, Viale Lucania)

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Figure 8 – Arceaux à vélo ou potelets pour empêcher les automobilistes de stationner sur une grille fragile ? (Milan, Via Gastone Pisoni)

En dépit de ces aspects hostiles de l’espace public avec la place indûment prise par les automobiles, la visite de Milan a permis de découvrir le projet Piazza Aperte (places ouvertes) lancé par la municipalité en 2018 et rebaptisé Piazza Aperte in ogni quartiere (places ouvertes dans chaque quartier) en 2019. En quatre ans, près d’une quarantaine de places ont été modifiées par des aménagements tactiques puis par des aménagements permanents pour redistribuer la place accordée à l’automobile aux résidents, piétons et cyclistes, avec un focus sur la place des enfants, des personnes âgées et des personnes porteuses de handicap.

Notre choix de visite s’est porté sur la Piazza Angilberto II pour deux raisons : il s’agit d’une des trois premières places aménagées en 2018 et elle est située dans un quartier extérieur au centre-ville, proche d’un ensemble d’habitat social et dont le revenu moyen par habitant est situé dans le tiers inférieur de la ville. Une des trois rues ceinturant la place a été piétonnisée, l’espace a d’abord fait l’objet d’une période d’aménagements tactiques avant que ceux-ci soient pérennisés avec une quinzaine de bancs publics, quelques espaces enherbés, une dizaine de fosses d’arbres ainsi que deux tables de ping-pong.

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Figure 9 – Vue d’une des premières places aménagées dès 2018 dans le cadre du projet « Piazza Aperte » (Milan, Piazza Angilberto II)

Lors de notre observation à l’heure méridienne, cette place était à la fois un lieu de passage et un lieu de vie, mais avec une persistance des inégalités genrées – une majorité d’hommes profitant des espaces d’assise et de repos, une majorité de femmes en mouvement avec engagement physique (port de courses alimentaires par exemple) et accompagnement d’enfants.

Pourquoi Ferrare est-elle la ville du vélo en Italie ?

La ville de Ferrare est reconnue comme étant la capitale della bicicletta. Dans un pays où la part modale du vélo se situe à 4 % environ, elle est de 18 % à Ferrare, atteignant 24 % pour les seuls déplacements intra-communaux. Les Ferrarais·.es possèdent en moyenne 2 vélos. En 2018, la FIAB saluait un doublement du nombre de kilomètres d’aménagements cyclables en 10 ans, de 87 km à 175 km, couvrant environ 15 % de la totalité du linéaire routier de la commune. En 5 éditions de son classement des villes cyclables italiennes Comuni Ciclabili, la FIAB a toujours attribué à la ville de Ferrare la note maximale de 5 « bike smile ».

À l’arrivée en train en gare de Ferrare, la présence du vélo dans la ville ne semble pas massive, mais en chantier : les espaces de stationnement des vélos ont pour certains été déplacés dans le cadre de la construction d’une Velostazione pour développer le stationnement et les services de location en gare. Passées les premières minutes de parcours sur des aménagements cyclables mixtes sur trottoir, l’impression la plus dissonante par rapport aux autres villes visitées est la part importante d’adolescent·es et de personnes âgées parmi les personnes à vélo.

La visibilité tout au long de la journée de personnes âgées circulant à vélo est particulièrement frappante depuis une perspective française où la pratique du vélo est plus faible parmi les personnes âgées de plus de 55 ans. Les personnes âgées continuent donc à utiliser le vélo, une pratique qui semble ancrée dans les habitudes d’une ville à l’indice de vieillesse (rapport entre le nombre de personnes de plus de 65 ans et le nombre de jeunes de moins de 14 ans) de 2,63, plus élevé que celui de la région Émilie-Romagne (1,8) et un des plus élevés de l’Italie entière. La population active n’est pas en reste : à Ferrare, un quart des déplacements domicile-école et domicile-travail sont réalisés à vélo d’après le Piano Urbano della Mobilità Sostenibile de Ferrare. La ville accueille 16 000 étudiants au sein de son Université située à proximité de la gare ferroviaire, dont plus des deux tiers résident en dehors de l’agglomération de Ferrare.

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Figure 10 – Aménagement cyclable sur trottoir, avec la place théorique des cyclistes marquée à droite, celle des piétons à gauche (Ferrare, Via San Giacomo)

Au-delà de l’âge des personnes rencontrées à vélo, deux autres éléments témoignent d’une pratique historique du vélo dans la ville : le parc de vélos et la typologie des aménagements. Les vélos observés en circulation ou en stationnement sont notoirement anciens et les VAE semblent très rares. Les aménagements les plus anciens sont des aménagements mixtes entre piétons et cyclistes, dont des aménagements sur trottoir, tandis que les aménagements plus récents dont plusieurs en chantier lors de notre visite sont plus largement dimensionnés et séparent les flux piétons et cyclistes. Les casa avanzada sont plutôt répandus – avec un marquage qui témoigne de leur antériorité – et les promiscua, réseau de contre-allées le long de plusieurs axes routiers structurants, sont fléchés pour les vélos avec une priorité sur les automobiles – les boulevards étant en contrepartie proscrits pour les vélos.

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Figure 11 – Devant la gare ferroviaire, un aperçu de l’âge des vélos en circulation (Ferrare, Piazza delle Stazione)

La pratique du vélo semble incontestablement diffusée à Ferrare, avec un point fort et distinctif de la diversité des usagères et usagers (adolescent·es, personnes âgées) qui dénote des impressions d’autres villes en France et en Europe, mais comment l’expliquer ? Les membres de la FIAB que nous avons rencontrés et qui nous ont guidé à travers la ville ont avancé le critère topographique : le vélo serait particulièrement développé à Ferrare car c’est une ville plate. Nous emprunterons à Frédéric Héran et à son livre Le retour de la bicyclette, Une histoire des déplacements urbains en Europe de 1817 à 2050, le fait que le relief est à ranger aux côtés des cultures nationales et du climat dans les lieux communs expliquant la diffusion de la pratique du vélo. Dans son classement Comuni Ciclabili des villes cyclables italiennes, la FIAB indique que l’unité urbanistique de la ville historique – un centre-ville dense et délimité par les remparts et le périphérique vélo – a facilité l’intégration de la pratique du vélo dans la ville ; cet aspect renvoie à l’antériorité de la ZTL, une des premières implantées dans un centre historique italien dans les années 1970.

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Figure 12 – Promiscua avec priorité aux vélos, boulevard interdit aux cyclistes (Ferrare, Viale Camillo Benso di Cavour)

Une autre explication, inspirée des travaux de Frédéric Héran sur le cas de Strasbourg en France (Héran, 2011) peut être trouvée en s’intéressant à la qualité du réseau de transports en commun. Selon cet auteur, puisque « quand les déplacements en voiture sont en plein essor, le vélo et le transport publics ne peuvent que se concurrencer » (Héran, 2011), l’absence de réseau ou un faible niveau de service proposé par les transports publics a un effet positif sur le maintien d’une pratique du vélo parmi des populations captives qui n’ont pas la possibilité d’accéder à la voiture (personnes n’ayant pas les moyens d’acheter une voiture, d’accéder au permis de conduire, individus jeunes ou âgés). C’est selon Frédéric Héran le phénomène qui se serait produit à Strasbourg en raison de la présence d’un réseau de bus peu performant pendant les décennies 1960, 1970 et 1980 et de l’absence du tramway (démantelé dans les années 1960 et réimplanté en 1994). Il est possible qu’à Ferrare des conditions similaires aient participé à maintenir l’usage du vélo à un niveau supérieur aux villes voisines où les transports en commun routiers et ferrés ont accueilli les personnes n’ayant pas accès à l’automobile. Cette explication semble s’accorder avec plusieurs caractéristiques typiques des déplacements des habitant·es de la ville. En effet, comme évoqué plus haut, le profil des cyclistes observé à Ferrare correspond aux profils-types des personnes ayant moins accès à la voiture (personnes jeunes et âgées) et où l’usage des transports en commun y est relativement faible. À Ferrare, les transports ferrés (trains régionaux), urbains et interurbains (bus) totalisent une part modale de 10 % de tous les déplacements (intra et intercommunaux) des habitant·es de la ville et contrairement à d’autres villes italiennes, Ferrare ne possède pas de réseau de tramway.

Ainsi, l’antériorité de la pratique du vélo comme de la politique cyclable, la ville-centre compacte et réglementée depuis une cinquantaine d’années par une ZTL, la faible captation des cyclistes captifs par le réseau de transports publics pourraient expliquer le développement historique du vélo à Ferrare.

De nouvelles notions pour alimenter les formations de l’ADMA

Les zones de trafic limité, les périphériques vélo autour des centres historiques, les villes à 30 à l’italienne, les piazza aperte… sont autant de sujets que nous avons questionnés à travers ce voyage d’études en Italie. Cet article ne vous donne qu’un aperçu des apprentissages que nous en retirons et que nous ne manquerons pas de développer et d’intégrer à nos formations.

I nostri più sinceri ringraziamenti vanno a tutte le persone che hanno dedicato il loro tempo a raccontarci la loro esperienza in Italia e a rendere il nostro viaggio una ricca esperienza di apprendimento.

Erica Bisetto, Relazioni Internazionali, Comune di Ferrara ; Antonella Tampellini, FIAB Bologna Monte Sole Bike Group ; Alessandra Piganti, Alessandro Balboni, Elisabetta Martinelli, Marcella Braghetta, Monica Zanarini, Comune di Ferrara ; Giuliano Giubelli, Vicepresidente, Federazione Italiana Ambiente e Bicicletta ; Antonio Casadibari, Catia Meloni, FIAB Ferrara ; Marco Frascaroli e Ezio Zambianchi, FIAB Bologna Monte Sole Bike Group.

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